SUICIDE DES PAYSANS
« Mon père avait trente cinq hectares et voulait vivre comme un vrai paysan, pas comme un chasseur de primes, il s’est suicidé car il ne pouvait plus vivre décemment sur sa ferme »*.
Années soixante : l’industrialisation de l’agriculture s’accompagne, dans le silence le plus épais, des actes de désespoir de bon nombre de paysans. Montrés du doigt comme incapables de s’adapter au monde « moderne », condamnés à la disparition par les économistes qui recommandent de diviser le nombre d’exploitations agricoles par dix en vingt ans,
exclus des aides qui ne s’adressent qu’aux agriculteurs jugés compétents et dynamiques, ils ne trouvent que dans une corde le moyen de protester une dernière fois.
Quelques décennies plus tard, les agriculteurs « modernisés » empruntent souvent le même chemin définitif. Soumis à la baisse constante des prix agricoles dans de nombreux secteurs, poussés à s’endetter pour être performants, ils sont plusieurs centaines à se donner la mort chaque année. Un par jour ? deux par jour ? Il est difficile d’avancer des chiffres fiables.
Mais le silence règne toujours.
* Témoignage recueilli par l’auteur auprès d’une habitante de la Sarthe en 2002.